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Notes d'été (2): les films de juillet (American Nightmare 4, Une pluie sans fin)

Notes d'été (2): les films de juillet (American Nightmare 4, Une pluie sans fin)

Notes d'été (2): les films de juillet (American Nightmare 4, Une pluie sans fin)

Merci Donald

American Nightmare 4 de Gerard McMurray

 

Le concept de catharsis sociale est repris dans cet épisode 4 en forme de prequel qui décrit la toute première expérimentation de la Purge. Le test, ici limité à la communauté afro-américaine de Staten Island, fait écho à l'excellent Detroit de Bigelow : avec des moyens beaucoup moins importants, Gerard McMurray décrit la soumission des minorités à la violence de l'Etat. Nouveauté intéressante au regard des épisodes précédents : des lentilles rouges portées par les participants permettent aux organisateurs de vérifier sur des écrans le bon fonctionnement de l'expérience. L'idée transforme les acteurs de la Purge en zombies romériens – notamment Skeletor, un psychopathe qui a été extrait de sa prison pour garantir le bon fonctionnement de l'expérience. La référence à Romero, évidente dans cet épisode 4, fait d'American Nightmare une des sagas horrifiques les plus pertinentes du moment, la seule à porter aujourd'hui l'héritage politique du cinéma d'horreur des années 60-70, quasiment abandonné depuis le début des années 2000.

Producteur intelligent et habile, Jason Blum a su restaurer à travers d'autres films (notamment Get out) l'ambition politique du cinéma du genre. Il déclarait en janvier dernier : « Si à chaque fois qu’il y a une fusillade aux États-Unis, la réponse du gouvernement est de mettre encore plus de flingues dans les mains des gens, alors ce que montre American Nightmare ne semble pas si fou. Donald Trump ne cesse de dire : "Armons les professeurs". Je le verrais bien dire : "Laissons les gens tirer sur qui ils veulent pendant douze heures." »

C'est la force du concept de la Purge : la dystopie qu'elle donne à voir fonctionne comme un miroir de moins en moins déformant de la réalité sociale – et pas seulement américaine (on rêve que des cinéastes français s'emparent du concept et l'appliquent par exemple aux migrants). Le premier épisode décrivait le dilemme d'une famille blanche partagée entre la bonne conscience « obamienne » et l'inconscient raciste (il découvraient chez eux un Noir ayant réussi à échapper à la Purge : que faire d'un tel fardeau ?). L'épisode 3 était fortement marqué par le contexte des élections présidentielles: il s'agissait de sauver une sénatrice démocrate (avatar d'Hilary Clinton) proposant d'abolir la Purge. Cet épisode 4 est une réponse directe – et à peine voilée par la métaphore – aux émeutes de Charlottesville (le tournage a commencé quelques semaines après), c'est l'épisode le plus ouvertement politique de la saga. Avantage : on a la confirmation de la remarquable capacité d'adaptation du concept de purge, reflet quasi immédiat d'une situation sociale et politique. Inconvénient : on perd la dimension carnavalesque des épisodes 2 et 3 (l'idée que la Purge est un grande fête de l'horreur), le film se raidit sur un clivage opposant le caïd du quartier (Y'Lan Noel) aux milices blanches chargées de nettoyer les quartiers (symbolique un peu grossière : le chef de la milice ressemble à un officier de la Gestapo). Ce raidissement est pourtant à l'image du contexte politique actuel : il faut d'ailleurs noter que l'élection de Trump a coïncidé avec une très nette amélioration de la qualité du cinéma d'horreur américain, qui se remet un peu à penser. A défaut d'être un bon président, Trump produit grâce à ses discours réacs une fiction de qualité nettement supérieure à la mélasse obamienne édifiante qui nous a été servie pendant une dizaine d'années. Qu'il continue donc de tweeter à tout va, il galvanise, à son corps défendant, tout le cinéma américain.

 

 

Notes d'été (2): les films de juillet (American Nightmare 4, Une pluie sans fin)

Beaucoup de pluie pour rien

Une pluie sans fin de Dong Yue

 

Pour qui aurait vu Black Coal – (200 000 entrées durant l'été 2014) – ce nouveau thriller chinois fera d'abord l'effet d'une redite. Même canevas (une série de meurtres, des cadavres retrouvés dans la cambrousse, un tueur recouvert d'un K.Way), même personnage d'enquêteur sans qualités s'entichant de la femme du coin (une coiffeuse) dans un contexte industriel suffisamment glauque pour marquer les esprits dans les festivals (un grand prix à Beaune) et autoriser l'argument de la métaphore sociale. Celle-ci repose principalement sur la pluie qui tombe et donne aussi son titre au film. Difficile de ne pas en parler : c'est à la fois un élément dramaturgique (IL PLEUT) et le terme A d'une métaphore dont le terme B serait la Chine. La pluie qui brouille la perception de l'enquêteur et dérègle ses humeurs, c'est (évidemment) une image du spleen chinois – ici réduit au périmètre d'une fonderie et de ses travailleurs, et plus largement à la vie d'une petite ville industrielle. Le film ne dépasse pas cet imaginaire dépressif, il s'attache à ses jours de pluie (tous les mêmes) comme l'enquêteur s'accroche obsessionnellement à son enquête, avant de dire adieu à ce petit monde dans un épilogue bâclé qui dynamite le décor du film (adieu l'usine) et introduit un nouvel élément météorologique : la neige. Tout cela peut paraître assez joli au niveau des intentions (la fin de l'enquête coïncide avec la fin d'un monde) mais le film, long de deux heures, est constamment recouvert d'un vernis métaphorique qui semble dire : regardez-moi briller. Or, il n'y a rien de vraiment brillant dans la façon dont le réalisateur d'Une pluie sans fin traite son enquête ou renégocie l'héritage du film noir. On peut lui concéder un talent de technicien (il a su diriger de main de maître l'équipe chargée de faire la pluie) mais on ne fera pas l'effort de traduire les métaphores que son petit polar déroule comme des guirlandes pour cacher sa misère. Qu'un carton nous apprenne pour finir que la plupart des habitants de la province que l'on voit dans le film ont été relogés suite à des catastrophes naturelles, tout cela ne peut susciter qu'une profonde indifférence : on n'a rien vu de ce territoire ni de la vie de ces gens, noyés sous des torrents de pluie. Espérons que Dong Yue, s'il s'obstine dans la voie du polar, réalisera prochainement un film plus sec, à l'horizon dégagé de toute métaphore.